Gastrophysique : Comment la couleur affecte t-elle notre perception des saveurs ?

Gastrophysique : Comment la couleur affecte t-elle notre perception des saveurs ?
Gastrophysique : Comment la couleur affecte t-elle notre perception des saveurs ?

L’esprit est une chose étonnante. Alors que nous savons généralement à quoi nous attendre rien qu’en percevant visuellement les aliments, il suffit d’une apparence légèrement différente ou d’une couleur inattendue pour que nos sens soient sans dessus-dessous. Et côté couleurs justement, il y a celles qui nous ouvrent l’appétit.

Et celles qui nous feront poliment repousser notre assiette, en esquissant un « je n’ai pas faim, merci ». Car notre perception des saveurs est étroitement liée à l’odorat et à la vue, au point que de nombreuses études portent aujourd’hui sur les altérations de notre sens du goût.

Intrigué ? Plongeons ensemble dans l’univers de la gastrophysique, et penchons-nous sur l’importance des couleurs, avant de passer à table !

 

La couleur a t-elle une saveur ?

Ce que nous goûtons est profondément influencé par ce que nous voyons. Notre perception des saveurs est affectée à la fois par la teinte (un rouge profond, un jaune vif, un vert tendre…) des aliments et des boissons que nous consommons, et par son intensité. Changez la couleur du vin, et l’expérience de dégustation s’en trouvera peut-être radicalement modifiée ! Certains experts eux-mêmes ont déjà été dupés en croyant sentir les arômes du vin rouge dans ce qui n’était qu’un verre de vin blanc coloré.

À travers l’histoire, bon nombre de scientifiques ont affirmé avec confiance qu’il n’existait aucun lien possible entre la couleur et le goût. Aujourd’hui pourtant, des artistes invitent le public à « goûter la couleur ».

Couleurs et perception des saveurs.

Et c’est un fait. La couleur peut être utilisée pour modifier la perception d’un public pourtant averti. Pas de quoi transformer l’eau en vin bien sûr, à l’aide d’un simple colorant artificiel. Mais il sera par exemple possible d’augmenter la douceur perçue d’un produit en optant pour une couleur délicate, ou en modifiant l’emballage. Une boisson rose par exemple, semblera plus sucrée qu’une boisson verte. Le tout sans les calories supplémentaires, que demander de plus !

Bien sûr, nos perceptions des couleurs alimentaires ne sont pas figées, et changent avec le temps. Il y a quelques décennies, les spécialistes du marketing affirmaient que les aliments bleus resteraient invendables. Et désormais, les cocktails, glaces et boissons énergisantes se vendent comme des petits pains. Compte tenu de la rareté de cette couleur dans la nature, elle est normalement présentée uniquement comme un stratagème marketing pour capter l’attention des consommateurs en se démarquant dans les rayons des magasins. Le problème surviendra parfois plus tard, après que le consommateur ait ajouté ce produit à son panier. Et que les saveurs ne soient pas celles qu’il avait imaginées.

 

Manger avec les yeux

Sucré, salé, acide, amer… Nos papilles gustatives jouent un rôle important dans la détermination des quatre groupes de base du goût. Lorsqu’elles entrent en contact avec des aliments, ce sont elles qui envoient des signaux à votre cerveau pour interpréter les saveurs perçues. Et parce que nous regardons notre nourriture avant de la porter à notre bouche, nos yeux envoient des signaux à notre cerveau bien avant nos papilles. De quoi prédéterminer comment nous percevrons le goût de ce que nous nous apprêtons à manger.

Une saveur pour chaque couleur ?

Dès la naissance, nous associons certaines couleurs à certaines saveurs, et continuons de le faire tout au long de notre vie. Un cake jaune sera forcément nature, ou au citron.  Des bonbons rouges auront une saveur de fraise, ou de cerise.

Avec les aliments frais, tels que les fruits et les légumes, nous nous appuyons sur la couleur pour déterminer le degré de maturité. Si la couleur d’un produit alimentaire ne correspond pas à nos attentes, nous percevront potentiellement un goût différent. Un effet psychologique que certaines entreprises utilisent à leur avantage !

 

Manipuler les saveurs par les couleurs

Décriés depuis des années par les adeptes du bien-manger, les additifs et colorants alimentaires n’ont pas toujours bonne presse. Sans doute parce qu’ils sont tout autour de nous !

Ils se glissent ainsi dans les aliments transformés, emballés et même frais, pour donner l’impression d’une certaine qualité. Ils sont utilisés pour compenser les effets de la perte de couleur durant le processus de fabrication, en raison des changements de température et des conditions de stockage. On y aura aussi simplement recours pour rehausser la couleur naturelle d’un aliment. Cela s’observe dans l’industrie de la mer, où le saumon d’élevage, généralement gris et peu attrayant, est teint en rose pour donner l’impression que le poisson est très frais.

Et le goût dans tout ça ? Et bien il change, tout du moins nous semble t-il changé. Au début des années 1970, dans le cadre d’une expérience, plusieurs sujets ont été invités à déguster un steak-frites en apparence normal. La pièce, cependant, était baignée d’une lumière particulière. Le repas s’est déroulé sans encombres, après quoi l’éclairage est revenu à la normale et, catastrophe ! Le steak était teint en bleu, et les frites en vert. Pas de quoi inspirer la confiance.

Plusieurs personnes se sont alors précipitées vers les toilettes, persuadées d’être malades.

Ketchup de tomates vertes, burgers au pain noir… Couleur et perception des saveurs sont étroitement entremêlées. Et jouent un rôle fondamental dans le comportement du consommateur. Vous qui pensiez acheter en toute conscience !

 

La couleur peut-elle impacter la quantité de nourriture que nous avalons ?

Alors concrètement, pourquoi les couleurs des aliments ont tant d’importance ?

Et bien, au-delà du boost des saveurs précédemment mentionné, il est aussi question de satiété sensorielle. Nos sens finissent pas s’ennuyer s’ils reçoivent constamment le même stimulus. Et alors, même votre dessert ou lait aromatisé préféré finit par vous sortir par les yeux.

Couleurs et quantités.

Il est ainsi possible de se rassasier des saveurs, mais aussi des textures, voire même des couleurs. C’est pourquoi les chocolats enrobés comme les Smarties sont disponibles dans une large gamme de couleurs. Ils conservent notre intérêt, et s’engloutissent sans même y penser ! Dans un autre registre, une étude a révélé que les participants consommaient davantage de yaourts lorsque trois couleurs différentes étaient proposées, alors même que la saveur restait inchangée.

 

Le cas de la couleur bleue

Peu appétissant le bleu ? Il faut dire que la couleur se trouvera rarement de manière naturelle dans la nature. Pas de feuilles bleues dans les légumes, de viande bleue, du moins lorsque celle-ci est encore consommable ! Quelques myrtilles vaguement bleutées, ou pommes de terre à la chair bleue-violette, et vous avez déjà fait le tour.

Dans ce contexte, le bleu provoque une réponse distinctement aversive. Il y a un million d’années déjà, lorsque nos premiers ancêtres cherchaient de la nourriture, le bleu, le violet et le noir étaient des signes d’aliments potentiellement mortels.

De toutes les couleurs du spectre, le bleu est un coupe-faim. Les programmes de perte de poids suggèrent de mettre la nourriture dans une assiette bleue. Ou encore mieux ! Mettez une lumière bleue dans votre réfrigérateur et laissez vos petites fringales quotidiennes s’atténuer progressivement. Les verts, les bruns, les rouges restent plus généralement acceptables, bien qu’ils puissent varier selon la culture.

Parallèlement toutefois, le bleu reste une couleur originale qui plaît particulièrement aux enfants. Ajoutez-la par petites touches, pour préparer des gourmandises du plus bel effet ! Vous utiliserez dans ce cas autant que possible des colorants alimentaires naturels, afin d’éviter toute formule potentiellement toxique.

 

De manière générale, les yeux constituent le premier de nos organes que la nourriture doit convaincre. Certains produits alimentaires échouent sur le marché, non pas à cause de leurs saveurs, de leur texture ou d’une odeur désagréable. Mais parce que le consommateur n’a pas été visuellement séduit. Et n’a jamais ressenti l’envie de lui laisser sa chance. Si tous les goûts et les couleurs sont dans la nature, la variété des aliments est indissociable de la diversification alimentaire. Alors jonglez avec les couleurs, multipliez les assiettes et élaborez de petits plats maisons qui seront à chaque fois un régal pour les sens !

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