Le jade : une pierre mythique

Le jade, bien qu’il ne soit pas considéré comme une pierre précieuse au sens strict du terme, détient une aura qui transcende largement sa catégorie formelle de pierre fine ou semi-précieuse. C’est ce qui fait de lui une véritable pierre mythique, un joyau imprégné de mystères et de légendes.

Cette fascination pour le jade a ses racines dans l’histoire millénaire des Empereurs de Chine. Le jade a, de tout temps, été une gemme privilégiée de ces dirigeants souverains, à tel point qu’une certaine qualité de jade leur était exclusivement réservée.

Cependant, il est important de noter qu’il existe plusieurs variétés de jade. Les appellations sont nombreuses, ce qui peut facilement semer la confusion chez un acheteur peu avisé. Le monde du jade est vaste et complexe, demandant une certaine connaissance pour l’apprécier pleinement et pour distinguer les véritables trésors des imitations.

Le jade, qu’est-ce que c’est ?

Les trois sortes de jade

On doit une première distinction à Alexis Damour (1808-1902). Mais, il y a mis le temps. Il a commencé par identifier la néphrite en 1846, puis la jadéite, presque 20 ans plus tard, en 1863. Alexis Demour est un juriste de formation et un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères de profession. C’est donc en autodidacte qu’il mène une riche carrière de minéralogiste qui le conduira à présider la société française de minéralogie en 1880.

La jadéite

Avant Alexis Damour, il n’y avait donc qu’une espèce de jade, après lui, il y en a deux : la jadéite et la néphrite. Pas mal pour un autodidacte ! Alors, c’est quoi la jadéite ? C’est la plus rare des deux. Pour les minéralogistes avertis, c’est :

une espèce minérale de la famille des silicates, classe des inosilicates, groupe des pyroxènes, sous-groupe des clinopyroxènes.

La néphrite

Bon, bon, et la néphrite ? Rien à voir avec la maladie rénale, bien sûr, mais tout avec l’actinote. Ce dernier est un minéral ferro-magnésien de la famille des silicates et une variété d’amphibole.

Retenons qu’outre sa plus grande rareté, de fait, on ne la trouve qu’en Birmanie et au Guatemala, la jadéite est riche en aluminium alors que la néphrite est riche en magnésium et on la trouve un peu partout dans le monde.

Le kosmochlor

Mais, mais, il y a une jadéite, bien spéciale, le kosmochlor. Ce minéral a tout de la jadéite, mais n’est pas une jadéite parce qu’elle vient du ciel. D’où son nom.

En effet, c’est une pierre qu’on ne peut extraire que d’une météorite ferreuse. La plus riche dans ce domaine est celle qu’on a trouvée près de Toluca au Mexique.

 Couleurs des jades

En principe, le jade est vert. Voilà qui est simple à retenir. Mais, car il y a toujours un mais, ce vert n’est pas toujours vert-vert. De fait, il est plus ou moins prononcé.

Est-ce tout ? Non. Car le jade peut aussi ne pas être vert. Ainsi, il peut être blanc, bleu-vert, noir et rose. Tout ça dépend des sels minéraux qui viennent s’ajouter, ou pas, à sa composition de base.

S’il n’y en a pas, le jade est dit pur. C’est ce qui lui donne sa couleur blanche. En clair, les sels de chrome font le jade vert, les sels de cobalt, le jade bleu-vert, les sels de titane, le jade noir et les sels de fer mêlés avec des sels de manganèse, le jade rose.

Le jade, une pierre connue depuis longtemps

Le jade est connu depuis longtemps, depuis l’époque néolithique, pour tout dire. Cela se comprend, le jade est relativement abondant et c’est une pierre dure – elle se situe entre 6,5 et 7  sur l’échelle de Mohs – mais en même temps relativement facile à polir.

Bref, suivant les besoins, on peut en faire d’excellentes haches ou de beaux petits objets décoratifs.

Vertus du jade

C’est avec les vertus supposées du jade qu’on touche au mythe. Celui-ci est bien résumé par un proverbe chinois qui dit expressément :

Vous pouvez mettre un prix sur l’or, mais le jade est inestimable

Même chose avec l’empereur Moctezuma II quand il remet à Cortès des cadeaux pour Charles Quint. Commentant les pierres vertes, du jade, naturellement, qui figurent dans ces cadeaux, il précise :

J’ajoute quelque chalchihuits (des pierres vertes) d’une valeur si immense que je ne voudrais les donner à personne d’autre qu’un empereur puissant comme le vôtre car chacune de ces pierres vaut deux charges d’or.

Chine, Amérique du sud, voilà les deux grandes zones où le jade a commencé une carrière impériale qui se s’est jamais démentie depuis. Pour quelle raison ?

Le jade, une puissante pierre médicinale

L’étymologie du mot jade ouvre la piste. On la doit aux conquistadors. Pour eux, en effet, cette pierre verte, c’est la piedra de la ejada ou la piedra de mijada. Bref, la jada, puis le jade. Et que veulent dire ces deux expressions ? En français, on dit pierre des lombes ou du flanc.

Autrement dit, le jade, c’est la pierre qui soigne les douleurs d’origine rénale. Raison pour laquelle, la première classification en latin fera de la dite pierre la lapis nephriticus. Idée qu’on retrouve dans la terminologie actuelle qui distingue le jade jadéite du jade néphrite.

On comprend que les empereurs se soient réservés pour eux les plus beaux exemplaires. C’est pourquoi un jade d’un beau vert profond et intense est qualifié de jade impérial.

Le jade, une pierre de passage

Avec une telle propriété physiologique, le jade se devait d’en avoir aussi dans le monde des limbes. C’est donc aussi une pierre sacrée. Anne de Jouvenel-Tugny rapporte ainsi dans son livre « Homo Lapidibus » que :

Pour les chinois, le jade, appelé yü, était synonyme de trésor. Six mille ans avant notre ère on lui attribuait des pouvoirs magiques, en particulier, celui de conserver les dépouilles des défunts enveloppés dans des suaires en plaquettes de jade. On plaçait des cigales en jade sur les orifices des morts, la cigale symbolisant par sa mue, la résurrection.

Le jade, une pierre de milliardaire

Evidemment, si le jade est une pierre impériale, rien d’étonnant à ce qu’il soit aussi une pierre de milliardaire. On en a un bel exemple avec le collier de jade impérial de Barbara Hutton.

Barbara Hutton est la petite fille du fondateur de magasins Woolworth. En 1933, pour son 21ème anniversaire, elle hérite de plus d’un milliard de dollars. On imagine ce que cette somme représente aujourd’hui, presque un siècle plus tard.

Comme elle a une passion pour les pierres, elle commande chez Cartier un fabuleux collier en jade impérial. Il se compose de 27 perles parfaitement rondes de 15 à 19 mm.  Comme le précise Anne de Jouvenel-Tugny dans son livre :

Les vingt-sept perles sont d’un vert émeraude, translucide et sans défaut, et retenues par un fermoir de rubis et de diamants.

Cartier l’a racheté pour sa collection en 2014 pour 24,44 millions de dollars. Cela fait cher la perle de jade, pourtant une pierre semi précieuse !

Le jade, combien ça coûte ?

Bon, le jade est-il abordable pour de petites bourses ? Tout dépend, bien sûr, de la qualité de la pierre. Si on s’en tient au jade jadéite, on le classe en trois catégories : le jade A, le jade B et le jade C. Mais encore ?

Le jade A est le plus cher et le plus naturel. Le jade B et le jade C, au contraire, sont des jades traités pour les rendre plus beaux. Plus ils ont été traités, moins ils sont chers.

Ce qui donne, en général, les prix suivants au kg sur le marché :

• Jade A : 800 $.
• Jade B : 96 $.
• Jade C : 10 $.

Il y a donc bien jade et jade. Ajoutons-y deux autres paramètres. Plus le jade est ancien, plus il est cher. Mais, plus le temps passe, plus les prix du marché augmentent.  La faute aux tribulations du monde, mais aussi à une exploitation intensive des mines existantes. De fait, des bruits courent comme quoi les gisements seraient proche de l’épuisement.

Le jade sur le marché

Apparemment, on trouve du jade pour toutes les bourses. On voit ainsi fleurir des dénominations telles que « bracelet jade de Chine en  perles naturelles 4/6/8/10 mm, faisant 19 cm en tout, au prix défiant toute concurrence de 9,90 €. Mhmm !

L’ensemble peut, effectivement, faire penser à un bracelet de jade, mais il y a vraiment bien peu de chance pour que ce soit un bracelet en perles de jade de la meilleure qualité.

Peut-être même s’agit-il de faux jade. De l’aventurine, par exemple. On l’appelle jade indien ou jade australien. Ou encore de la serpentine.

Bref, tout est possible, mais comme toujours, à condition de savoir exactement ce qu’on achète. Et on peut quand même rêver sans dépenser des sommes colossales.

Le mieux est sans doute de se rapprocher pour ça de professionnels sérieux. Qu’il s’agisse de joailliers, de bijoutiers ou de commissaires priseurs.